à propos :
C'est parce qu'on entend – le plus souvent – toujours le point de vue des adultes que Manuel Poirier a eu envie de connaître celui des enfants... Que pensent-ils de la société ? Comment regardent-ils le monde adulte ? Curieux de connaître et d'écouter des enfants d'aujourd'hui, le réalisateur est parti à leur rencontre, au fil d'un voyage à travers la France. Ils sont une quinzaine, âgés entre 9 et 14 ans, à raconter ce qu'ils pensent, à montrer comment ils vivent. À travers le prisme des enfants, le documentaire déroule différentes histoires de familles et les interrogations sociales qui leur sont liées, intimement. Michel, Ali, Monia, Alexandre et treize autres ont pris la parole pour confier au réalisateur leur vision du monde adulte.
« Comme tout le monde, je m’interroge sur la société. Mais plutôt que d’aller vers les adultes, j’ai préféré rencontrer des enfants, différents dans leur personnalité, ainsi que par leur région d’origine. Pour ne pas me disperser, je suis parti sur trois thèmes : l’école, le travail, la loi. Autant d’éléments objectifs qui font une société. » C’est comme cela qu’au cours de son tour de France, Manuel Poirier fait connaissance avec des enfants qui s’intègrent ou sont exclus du système scolaire. Les parents des uns travaillent tandis que les autres sont au chômage. Enfin, pour certains, le papa est policier ou en prison. Évidemment, ces critères de sélection se mélangent.
« J’ai filmé le moins d’enfants possible pour ne pas être tenté de valoriser celui-ci ou celui-là au montage. Le choix s’est réduit à ne pas en présenter deux qui soient identiques. » Aidé dans sa recherche de personnages par le réseau des associations, il s’est, comme l’indiquent le commentaire («Je suis allé à… Et puis après à…») et l’enchaînement des séquences laissé porter par le rythme tranquille d’une balade.
Minimaliste dans sa forme comme dans son fond, D’un enfant à l’autre n’est pas une succession de portraits de gamins hauts en couleurs. « Quelle serait pour toi la société idéale ? », « Que font tes parents ? » Etc. Autant de questions simples auxquelles les enfants répondent volontiers, ou ne répondent pas. L’effet Polaroïd joue à plein. Prise une par une, chaque séquence n’est pas forcément décisive (les amateurs de mots d’enfants seront déçus). C’est en ayant vu tout le film que le propos du cinéaste devient sensible. Procédant ainsi, Manuel Poirier constitue un « puzzle » cinématographique. La démarche n’est pas banale, surtout à cette heure de diffusion : « C’est vrai que c’est risqué. Mais comme j’ai fait confiance aux enfants, j’en fais de même avec les téléspectateurs. Pour moi, la simplicité génère de la force et de la profondeur. »
S’étant piqué au jeu, Manuel Poirier va donner une suite à D’un enfant à l’autre au cinéma, en retournant voir quatre des enfants rencontrés, ceux qui ne vivent plus avec leur famille d’origine. Que sont-ils devenus ? Que s’est-il passé après la diffusion de ce film ? À suivre…
Michel Doussot - Téléscope